Photos : Mathurin Vauthier
L’alpinisme de haut niveau ne se limite pas à gravir des montagnes. Il s'agit de découvrir de nouvelles voies, de s'aventurer sur des faces vierges et méconnues, et de repousser les limites du possible. Cette forme ultime d'exploration et de conquête est incarnée par des alpinistes comme notre Fellow Charles Dubouloz et son camarade Symon Welfringer. Ces rêveurs, aventuriers et conquérants se sont lancés dans une expédition avec des espoirs plein la tête, prêts à affronter les défis de la nature et à réaliser leurs rêves les plus audacieux. Leur projet, initialement centré sur le Gyachung Kang, a pris un tournant inattendu vers la face ouest de l'Hungchi, une paroi raide et esthétique qui a captivé leur imagination et est devenue le nouvel objectif de leur aventure.
« Tout ce qui comptait était d'aller en montagne, de puiser, forcer et réussir quelque chose.
Qu'importe mais un accomplissement.
Je mettais tellement d'ambition dans cette expédition qu'il me fallait une réussite avant de reprendre l'avion. »
Comment avez-vous abordé cette expérience ? Confiants, rêveurs, appréhensifs ?
Nous avons abordé cette expérience de manière "professionnelle", en investissant beaucoup d'énergie et de préparation avant notre expédition au Népal. Avec l'expérience que nous avons des expéditions en haute altitude, nous savions qu'il y avait une faible chance que tout se déroule comme prévu. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé : nous n'avons pas grimpé la montagne initialement prévue et nous avons ouvert une ligne complètement différente, en raison de nombreux imprévus. Nous avons été confiants dans nos capacités physiques grâce à toute l'énergie que nous avions mise dans le projet en amont. Et même si cette expédition ne s'est pas passée comme prévu, cela reste une très belle expérience.
Un engagement conséquent, une fatigue indéniable. Est-ce que la souffrance endurée rend plus belle la victoire à la clé selon toi ? Qu’est-ce qui te pousse à toujours te dépasser pour aller au bout de ce genre d’aventure qui peut paraitre insensée pour beaucoup ?
L'engagement pour une expédition en Himalaya est conséquent, surtout en raison de l'éloignement et des conditions austères. Il fallait marcher six jours pour atteindre le camp de base, ce long processus de déplacement renforçant donc notre engagement dans l’expédition.
L'énergie investie dans le projet est ce qui rend la réussite belle, pas la souffrance. Nous nous étions énormément préparés avant de partir, mais Simon est tombé malade pendant l'acclimatation, ce qui a complètement bouleversé le projet. Malgré cela, nous avons réussi à rebondir et à utiliser toutes nos compétences pour l'ascension. Plus l'investissement est conséquent, plus la réussite est belle.
Ce qui me pousse toujours à me dépasser, c'est le désir d'être performant dans ma pratique de l'alpinisme et de donner le meilleur de moi-même.
Dans les Grandes Jorasses, tu connaissais plus ou moins la voie à emprunter. Ici, c’est l’inconnu le plus total qui vous attend. Sont-ce vos compétences d’alpiniste qui vous ont permis d’arriver au bout de cet exploit ?
Nos compétences et notre expérience nous ont beaucoup aidés. Si quelqu'un était mis dans cette situation sans préparation, il aurait du mal à s'en sortir. Nous avons déjà grimpé des faces en Himalaya et dans les Alpes, et nous sommes souvent confrontés à l'inconnu, car les choses ne se passent rarement comme prévu. En alpinisme, on s'adapte beaucoup. C'est notre expérience, notre sens montagnard et toutes les heures passées en montagne qui nous ont permis de réussir cette ascension.
Une expédition avec tant d’engagement à deux nécessitent une véritable organisation. Comment organisez-vous la prise de décision ?
La prise de décision, on ne l'organise pas vraiment. Avec Simon, on se connaît très bien, en tant qu'amis et grimpeurs. On sait généralement comment l'autre va réagir dans une situation donnée. On se concerte simplement. Par exemple, lors de la descente, nous étions dans une impasse et avons pris quelques minutes pour évaluer nos options. Les options A et B semblaient peu envisageables, mais nous avons trouvé une option C que nous n'avions pas envisagée auparavant. En discutant, nous avons décidé de tenter cette option C, qui était de descendre par la face est, dans l'inconnu total.
Nous prenons les décisions ensemble, sans hiérarchie. Parfois, c'est plus facile de décider à deux qu'à trois, car la décision est plus rapide et instinctive. Connaître très bien la personne avec qui on grimpe facilite grandement la prise de décision.
TIME CODE
00’’00 Approche moraines (blocs glacier)
00’’20 Dernier camp de base avancé, départ de nuit
00’’33 Escalade lever de soleil
00’’51 Vue panorama
02’’02 Lever soleil premier bivouac, anniversaire Charles
02’’15 Arête sommitale (pour arriver au sommet)
02’’55 Arrivée sommet
03’’18 Descente tempête
03’’23 Deuxième bivouac tempête
03’’57 Descente
04’’07 Arrivée
05’’06 Séquence Emotions
L’ampleur médiatique de votre ascension dépasse complètement le monde de l’alpinisme depuis quelques jours. Comment vis-tu la chose ?
Quand notre aventure a commencé à dépasser le monde de l'alpinisme, nous étions encore au Népal avec une connexion Wi-Fi limitée, ce qui nous a aidés à garder la tête froide. Nous étions isolés à Namche Bazar ou dans de petits villages, ce qui nous a permis de faire une transition en douceur. En revenant en France, l'attention médiatique était mesurée et sur une courte période. Pour Simon et moi, c'était agréable de voir notre ascension médiatisée. Même si ce n'est pas un moteur en soi, c'est une belle récompense.